Laïcité

La laïcité est un concept qui trouve ses racines dans les écrits des philosophes grecs et romains, tels que Marc-Aurèle...



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Devise de l'État français sur le tympan d'une église.

La laïcité est un concept qui trouve ses racines dans les écrits des philosophes grecs et romains, tels que Marc-Aurèle et Épicure, ceux des penseurs des Lumières comme Denis Diderot, Voltaire, John Locke, les pères fondateurs des États-Unis tels James Madison, Thomas Jefferson, et Thomas Paine, en France à travers les lois de Jules Ferry, mais aussi dans les écrits de libres penseurs modernes, agnostiques et athées, tels que Bertrand Russell, Robert Ingersoll, Albert Einstein, et Sam Harris.

La laïcité sert à désigner, au sens actuel, la séparation du civil et du religieux. Dans l'article «laïcité» de son Dictionnaire de pédagogie et d'instruction primaire Ferdinand Buisson, un des inspirateurs des lois laïques de la troisième République, a défini plus exactement la laïcité, terme alors nouveau (néologisme)  : il s'agit de la sécularisation des institutions politiques d'un état, à savoir que cet état ne s'adosse à aucune religion officielle, ni ne suppose quelque onction divine. Le principe de séparation des pouvoirs politique et administratif de l'État du pouvoir religieux en est une application. Au sens contemporain, elle est le principe d'unité qui rassemble les hommes d'opinions, religions ou de convictions diverses en une même société politique, différente donc d'une communauté. Dans une perspective laïque, les croyances et convictions qui ont rapport à la religion (religions elles-mêmes, croyances sectaires, déisme, théisme, athéisme, agnosticisme, spiritualités personnelles) ne sont que des opinions privées, sans rapport direct avec la marche de l'État. C'est là considérer la politique comme une affaire humaine, uniquement humaine. Réciproquement, la liberté de croyance et de pratique doit être entière; dans les limites de "l'ordre public", l'État s'interdit d'intervenir dans les affaires religieuses, et même de définir ce qui est religion et ce qui ne l'est pas (pas de religions officielles ni même reconnues selon l'article 2 de la loi de 1905).

L'adjectif «laïque[1]», qui s'oppose en premier lieu à «clérical», peut aussi désigner l'indépendance comparé à toute confession religieuse. Pour les Républicains de la troisième République, le cléricalisme renvoie, non à la religion, mais à la prétention du personnel religieux à régir la vie publique d'un état au nom de Dieu ou de croyances religieuses.

Origines

Étymologie

Le mot «laïc», apparu au XIIIe siècle et d'usage rare jusqu'au XVIe siècle, est issu du latin laicus «commun, du peuple (laos)» terme ecclésiastique repris au grec d'église λαϊκός, laikos, «commun, du peuple (laos[2], par opposition à κληρικός, klerikos (clerc) [3], désignant les institutions proprement religieuses. Le terme laicus est utilisé dans le vocabulaire des églises chrétiennes dès l'Antiquité tardive, pour désigner toute personne qui n'est ni clerc, ni religieux, mais qui appartient cependant à l'Église (c'est-à-dire qui est baptisé, aucun incroyant n'étant reconnu comme laïc), et peut même y exercer des fonctions importantes. L'abstrait désignant cette position a donné en français le terme «laïcat»[4]. Au Moyen Âge, le mot «laïque» distingue l'homme commun, qui doit être enseigné, de l'individu instruit consacré par son état religieux[5].

Le concept de laïcité, comme séparation du pouvoir ecclésiastique et du pouvoir séculier, est ancien, mais ne s'exprime pas d'emblée dans le champ lexical du laïcat. Au Ve siècle, le pape Gélase Ier conçoit le premier dans une lettre à l'empereur Anastase, la distinction entre le pouvoir temporel (potestas) et de l'autorité spirituelle (auctoritas) [6]. Cette lettre, préfigurant la doctrine médiévale[7] des deux glaives[8], devient à fin du XIe siècle l'un des textes clefs invoqués pour soutenir la supériorité de l'autorité pontificale sur la potestas impériale. Mais l'usage qui en est fait alors, dans l'optique de la séparation du regnum et du sacerdotium, provient de l'importance excessive accordée à ce qui est en fait une citation altérée de la lettre de Gélase, qui mentionnait «deux augustes impératrices gouvernant le monde»[9]. La distinction entre potestas et auctoritas tente d'établir une hiérarchie : le pouvoir politique serait moralement soumis à l'autorité. Cette dichotomie entraîne des réactions qui se traduisent surtout par la lutte du sacerdoce et de l'Empire ou par les mouvements hérétiques des XIVe et XVe siècle qui contestent au clergé cette mainmise spirituelle[10][réf.  incomplète].

Les racines de la notion de laïcité

La notion moderne de laïcité, qui n'est plus hiérarchique, apparaît lorsque la théorie politique puis l'État deviennent capables d'une pensée autonome sur la question religieuse[11]. Tout d'abord, les philosophes des Lumières, comme Voltaire, se sont mis à parler de prêtres ou de missionnaires laïques pour désigner la vocation morale hors du clergé et des doctrines religieuses. Les termes «laïcité», «laïciser», «laïcisation», ne sont attestés qu'à partir de la chute du Second Empire, en 1870 : le terme «laïcité» est contemporain de la Commune de Paris qui vote en 1871 un décret de séparation de l'Église et de l'État[12]. Ils sont liés, sous la Troisième République, à la mise en place progressive d'un enseignement non religieux mais institué par l'État. Le substantif «la laïque», sans autre précision, désignait familièrement l'école républicaine. La laïcité sécularise alors la puissance publique et renvoie l'activité religieuse à la sphère privée.

Est désormais laïque (au sens de Laos «la population indivise») «ce qui concerne tout le peuple, indépendamment des diverses croyances ou convictions qui le divisent[13]». Cette définition contemporaine se rapproche de celle qu'avait retenue Ferdinand Buisson dans son Nouveau dictionnaire de pédagogie (1911) [14] :

«Les laïques, c'est le peuple, c'est la masse non mise à part, c'est n'importe qui, les clercs exceptés, et l'esprit laïque, c'est la totalité des aspirations du peuple, du laos, c'est l'esprit démocratique et populaire.»

Selon Henri Pena-Ruiz, dans la cité grecque (et dans la cité latine pré-chrétienne postérieurement) la religion organise le lien social. Puis, la cité se faisant intégrante, des croyances multiples cohabitèrent. Chaque citoyen a ses dieux personnels, dans une cité qui a les siens propres (les dieux poliades) et dont la vocation est de préserver le salut commun. Progressivement, le conformisme religieux laisse la place à des lois communes, pour faciliter la cœxistence de tous. La religion de la cité aura alors une fonction civique dépourvue de dogmatisme théologique ; on admettra progressivement que la conscience reste maîtresse d'elle-même. Le droit romain développera cette distinction entre lois communes et pouvoir religieux en distinguant la res publica (la «chose publique») de la chose privée. Ainsi sont réunis les composantes de la laïcité contemporaine : le respect de la conscience individuelle, la recherche de l'intérêt général, la primauté de la loi sur les dogmes[15].

La laïcité contemporaine, principe d'unité

Aujourd'hui, une organisation commune fondée sur la laïcité sert à prendre en compte la diversité des hommes et l'obligation de les unir pour assurer leur cœxistence.

«Elle le fait en conjuguant la liberté de conscience, qui permet aux options spirituelles de s'affirmer sans s'imposer, l'égalité de droits de l'ensemble des hommes sans distinction d'option spirituelle, et la définition d'une loi commune à tous visant l'unique intérêt général, universellement partageable[13]

Jean Baubérot emploie une formule identique en définissant la laïcité contemporaine sous trois aspects : l'État est sécularisé, la liberté de croyance et de culte est garantie, et les croyances sont identiques entre elles. Il remarque cependant que chacun insiste davantage sur l'un ou sur l'autre de ces trois aspects : le laïciste sur la sécularisation, le croyant, sur la liberté de conscience, et enfin celui qui adhère à des croyances minoritaires sur l'égalité entre l'ensemble des croyances. (référence : Laïcité 1905-2005, entre passion et raison, Le Seuil, 2004. )

Les trois conceptions principales de la laïcité

On oppose actuellement trois conceptions de la laïcité.

La conception française

Article détaillé : Laïcité en France.

Principe

Mais le concept de laïcité est avant tout une histoire conflictuelle opposant tout au long du XIXe siècle deux visions de la France : les catholiques et les révolutionnaires. La conception française est , dans son principe, la plus radicale des conceptions de la laïcité (comparativement), quoiqu'elle ne soit pas totale. La justification de ce principe est que, pour que l'État respecte l'ensemble des croyances de manière égale, il ne devrait en reconnaître aucune. Selon ce principe, la croyance religieuse relève de l'intimité de l'individu. Par conséquent, l'État n'intervient pas dans la religion du citoyen, pas plus que la religion n'intervient dans le fonctionnement de l'État. La laïcité à la française pose comme fondement la neutralité religieuse de l'État. L'État n'intervient pas dans le fonctionnement de la religion, sauf si la religion est persécutée (article 1 de la loi de 1905 : "l'État garantit l'exercice des cultes. ").

Ce principe a été énoncé principalement en deux temps :

La conception française de laïcité, quoique dans son principe la plus radicale, a été extrêmement marquée dans son application pratique par le fait qu'il s'agit d'un long et périlleux combat anticlérical, consistant non pas à séparer le pouvoir politique du fait religieux comme tel, mais à diminuer l'influence de l'Église Catholique et des militants politiques chrétiens.

Les dispositions de la loi, dont il est question ici, ont par conséquent fait l'objet d'une négociation entre l'Église Catholique et le législateur. Il fallait pour l'Église protéger ses privilèges, son patrimoine et ses réseaux et pour l'État composer avec le fait que bon nombre des parlementaires et hommes politiques étaient issus des milieux catholiques pratiquants. Les autres grandes religions monothéistes n'ont pas figuré à la table des négociations et leur influence était d'ailleurs marginale, d'où le déséquilibre de traitement qui existe jusqu'à nos jours entre les diverses religions.

Le principe de laïcité ne s'est appliqué qu'aux citoyens et en France métropolitaine. Dans les colonies et même en Algérie (départementalisée), la population d'origine autochtone n'avait pas la pleine citoyenneté et le droit qui s'appliquait faisait une large place aux coutumes locales, y compris en matière de place des cultes, des structures religieuses et de leurs ministres. De cette situation proviennent, d'ailleurs, les problèmes d'intégration en France à partir des années 1960, quand les immigrés de ces colonies, qui pouvaient jusqu'alors publiquement exercer leur religion, sont arrivés en France où il était d'usage tacite de se confondre dans la population[16].

Énoncé en 1905, le principe de laïcité ne s'applique pas non plus en Alsace-Moselle, (qui ne fut réintégrée à la France qu'en 1918 et imposa cette condition à sa réintégration) pour ce qui concerne l'éducation - et où le régime du concordat prévaut -, ni à Mayotte pour les principes du droit (où la loi islamique, la charia, s'applique selon le recueil de jurisprudence, le minhadj, même si on observe que le droit coutumier local opère un glissement vers le droit commun[17]) ou à Wallis-et-Futuna pour le dispositif éducatif en primaire (où l'enseignement est concédé par l'État au diocèse catholique).

Aujourd'hui, des propositions d'inclusion de la notion de valeurs, ou de racines, chrétiennes ou même simplement "religieuses" dans la Constitution européenne suscitent une vigilance accrue de milieux attachés à la laïcité[18] : le mot "racines" n'étant pas suivi de l'adjectif "historiques" pourrait en effet être interprété ensuite comme "fondatrices".

Applications concrètes du principe

La première et plus importante traduction concrète de ce principe en France concerne l'état civil, jusque là tenu par le curé de la paroisse qui enregistrait l'apparition, le baptême, le mariage et la sépulture des personnes. Depuis 1792, il est désormais tenu par l'officier d'état civil dans la commune (le maire) et l'ensemble des actes doivent être enregistrés devant lui (à l'exception du baptême qui n'est pas un acte enregistré).

Les cérémonies religieuses (mariage religieux, baptême, obsèques) n'ont plus de valeur légale et n'ont qu'un caractère optionnel. Elles sont même interdites avant l'équivalent civil, s'il existe : par exemple, un mariage religieux ne pourra être effectué (si les participants le souhaitent) que postérieurement à un mariage civil.

Par principe, la laïcité est un concept étroitement lié à celui de la liberté d'expression et d'opinion. Il est permis à chacun de pratiquer la religion de son choix (ou de n'en pas pratiquer du tout), tant que cette pratique ne va pas à l'encontre des droits d'autrui. Mais cette liberté est limitée occasionnellemen. C'est le cas surtout des fonctionnaires en service qui n'ont pas le droit de porter de signe religieux. Ici encore, il ne s'agit pas particulièrement d'une application du principe de laïcité, le même interdit existant pour d'autres comportements (militantisme politique, etc. )

L'État ne doit ni poser des questions (dans le cadre d'un recensement), ni distinguer entre les personnes sur la base de critères religieux. Ce n'est cependant pas une application du principe de laïcité, le même interdit existe pour d'autres catégorisations sensibles (origine ethnique, couleur de peau, appartenance politique ou syndicale, etc. ). Au niveau collectif, le fait qu'une organisation soit ou non affiliée à une religion ne peut pas non plus entrer en considération : seules les activités cultuelles sont exclues, mais un club sportif dépendant d'une église peut obtenir des subventions autant qu'un club laïc, étant donné qu'il est aussi ouvert aux laïcs. De même, les écoles confessionnelles peuvent participer au "service public de l'éducation" (l'état en paye alors les professeurs et les collectivités territoriales peuvent contribuer à leur bonne marche), ce qui implique surtout qu'elles respectent les programmes officiels, et qu'elle doivent accueillir (service public oblige) l'ensemble des élèves qui le souhaitent indépendamment de leur religion et sans prosélytisme dans le cadre des cours. 90 % des écoles privées en France sont catholiques.

Article détaillé : Enseignement privé en France.

Dans le système éducatif français, la formation religieuse (dans le sens «enseignement de la foi») ne fait pas partie du cursus des élèves ; néanmoins, une demi-journée par semaine est libre précisément pour que cet enseignement puisse être assuré (le mercredi), et d'autre part les établissements peuvent disposer d'aumôneries et de groupes de pratiquants actifs, même dans le cadre d'un établissement public, et a fortiori dans les établissement privés : l'exercice du culte est libre même au sein des établissements publics, à condition de ne pas perturber le fonctionnement ni de se transformer en prosélytisme (impossible d'interrompre la classe pour une prière, d'exiger un menu spécifique à la cantine, ou de squatter la cour de récréation pour une messe, par contre on peut disposer d'une salle libre d'autre part pour cela). De même, les signes religieux "ostentatoires" sont interdits dans les écoles publiques[19].

Il existe en outre des propositions pour que le fait religieux, un enseignement descriptif des caractéristiques des religions (dogmes, structures, histoire, etc. ) soit inscrit aux programmes. Les rapports Debray (2002) et Stasi (2003) conseillent en premier lieuer les faits religieux comme des faits sociologiques.

Exceptions

Pour des raisons historiques, il existe certaines exceptions locales : l'acte de naissance pratique du principe de laïcité est la loi de 1905 qui ne s'appliquait alors pas outre-mer, ni en Alsace-Moselle alors annexés par l'Empire allemand suite à la défaite française de la Guerre franco-allemande de 1870.

Lors du rattachement de l'Alsace-Moselle au territoire national, après la victoire française de la Première Guerre mondiale, la question s'est posé de l'extension du corpus juridique français à ces régions, qui en avaient été scindé pendant plus de 40 ans. Suite à la demande unanime des députés locaux , subsistent diverses dispositions relevant du droit local : un statut scolaire spécifique où l'enseignement religieux est obligatoire, un statut différent pour les associations et le maintien du Concordat[20].

Article détaillé : Droit local en Alsace et en Moselle.

Dans ces régions improprement nommées concordataires (le Concordat ne s'applique habituellement qu'aux citoyens de confession catholique, les articles organiques régissant les autres cultes), les ministres des cultes sont rémunérés par l'État et connus personnels de la fonction publique et l'école publique dispense des cours d'instruction religieuse (catholique, luthérienne, réformée ou israélite). Les cultes reconnus sont particulièrement encadrés (nomination des évêques par le ministre de l'Intérieur... )  ; les actes d'état civil continuent d'être du domaine de l'État. L'Islam n'y est pas un culte reconnu (il n'y avait pas de musulmans en France en 1801), mais on lui applique les mêmes règles (construction de la mosquée de Strasbourg... ).

À Mayotte (collectivité d'outre-mer), demeure le principe des cultes reconnus. la religion musulmane forme toujours la base du statut des personnes[20] : le préfet appelle un cadi qui applique la charia en matière matrimoniale et familiale. Cette exception est un reliquat du régime colonial.

En Guyane, l'ordonnance de Charles X du 27 août 1827 est toujours en vigueur, qui ne reconnaît que le culte catholique, ce dernier bénéficiant d'un financement public[20].

À Saint-Pierre-et-Miquelon, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie subsiste un dispositif dérivé des décrets Mandel de 1939[21], qui autorisent les missions religieuses à former des conseils d'administration pour donner une situation juridique à la gestion des biens utiles à l'exercice des cultes[20].

À Wallis-et-Futuna, le catholicisme-romain est religion établie.

La conception des États-Unis d'Amérique

Article détaillé : Religion aux États-Unis d'Amérique.

Les États-Unis apparaissent aujourd'hui comme une République fortement imprégnée par les valeurs chrétiennes (tradition puritaine pour la Nouvelle-Angleterre, mais également baptiste, méthodiste, et catholique). Pourtant, dès l'époque de la Révolution américaine, l'idée de laïcité est un concept inévitable en Amérique, hérité des Lumières, et plus particulièrement du philosophe anglais John Locke.

Ainsi, si la Déclaration d'indépendance américaine fut rédigée par des déistes, les Pères fondateurs étaient aussi dans leur majorité des laïcs attachés à la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Ainsi, Thomas Jefferson, en 1776, s'il fait référence à un Dieu créateur qui légitime les droits de l'Homme, était aussi farouchement attaché à cette idée, comme en témoigne ses écrits :

«J'ai toujours reconnu qu'il s'agissait d'une affaire entre l'homme et son créateur, dans laquelle personne d'autre, et en particulier pas le public, n'avait le droit d'intervenir[22]

Dans l'une de ses lettres, Jefferson évoque l'impérieuse obligation d'un «mur de séparation» entre l'État et les Églises[23].

D'autres pères fondateurs des États-Unis se sont prononcés en faveur de la séparation des Églises et de l'État :

Les pères fondateurs américains en faveur de la laïcité

Officiellement, la religion est scindée de l'État par le premier amendement du 12 décembre 1791 de la constitution de 1787. Fait notable pour l'époque, ni la constitution ni la Déclaration des Droits (les dix premiers amendements), les deux textes fondateurs de la République américaine, ne font référence à Dieu ou à la Providence. Ainsi, depuis la fin du XVIIIe siècle siècle, il n'y a pas de religion officielle dans ce pays.

Pourtant, les références à Dieu sont omniprésentes dans la pratique politique : George Washington, fut le premier président à introduire le serment sur la Bible, tandis que la constitution ne prévoyait qu'un simple serment[27]. On note aussi le In God we trust sur les billets (En Dieu, nous avons confiance) qui est devenu une devise officielle des États-Unis le 30 juillet 1956 (plus tard qu'on le croit, par conséquent), sur l'initiative d'un député de Floride (Charles E. Bennett) ou le serment des présidents américains sur la Bible lors de l'investiture, etc. Dans les États où, à l'occasion d'un procès (ou de la prise de fonction d'un gouverneur ou d'un sheriff par exemple), les témoins doivent jurer de dire la vérité sur un «document sacré», le choix est envisageable entre l'ensemble des «documents» disponibles : Bible chrétienne sans apocryphes, Bible chrétienne avec écrits intertestamentaires, Torah, Coran, Avesta, etc.

Au contraire de la France, cependant, dans le système éducatif américain, l'État fédéral ne subventionne aucune école religieuse. Enfin, il ne faut pas oublier que le premier amendement est membre de la première constitution à garantir la non-ingérence de l'État dans les religions et la liberté de culte. En 1875, James Blaine, président de la chambre des représentants, proposa un amendement constitutionnel interdisant les subventions publiques pour tout projet à vocation religieuse. Cet amendement Blaine, quoique rejeté par le sénat, fut adopté par 37 états américains, qui par conséquent ne subventionnent aucune école privée. L'arrivée du chèque éducation a remis en cause cette avancée.

La définition du Dieu auquel se réfère l'État américain est pensée et vécue comme le point commun à l'ensemble des religions ; il ne s'agit par conséquent pas d'un Dieu précis, attaché à un culte défini. D'une manière différente de la France, où l'État rassemble par son indifférence aux cultes, l'État américain rassemble en créant un point commun qui est le fait de croire. C'est la conséquence surprenante d'une laïcité tolérante : en se refusant toute ingérence étatique dans la vie religieuse des citoyens, les fondateurs des États-Unis ont attiré dans leur pays de nombreux immigrants particulièrement religieux, quelquefois brimés dans leurs pays d'origine : mennonites, baptistes, anabaptistes, amishs, quakers, juifs, etc. La forte religiosité américaine, qui connaît son pic au cours de la guerre froide, n'est par conséquent pas le vœu des fondateurs du pays mais la conséquence des conditions dans lesquelles le pays s'est construit.

La religion est reconnue aux États-Unis dans un sens proche de l'étymologie (religio : créer un lien social). Dans ce cadre, agnostiques et athées sont mal conceptualisés dans le dispositif, car toute personne se rattache par principe à une religion. Une étude de l'université du Minnesota publiée en 2006 montre d'ailleurs que la «communauté» qui inspire la méfiance la plus grande aux États-Unis est non pas celle des immigrants récents, celle des homosexuels ou celle des musulmans, mais bien celle des athées[28]. Néanmoins, la méfiance qu'inspirent les athées aux États-Unis dépend beaucoup du lieu de résidence des populations étudiées : les habitants de la côte ouest tout autant que ceux de la côte est , c'est-à-dire une majorité d'américains, acceptent bien mieux l'athéisme que ne le font ceux qui habitent au centre du pays.

La conception turque

Article détaillé : Laïcité en Turquie.

La Turquie est aujourd'hui un État laïque de par sa constitution, et ce depuis le 10 novembre 1937. La Constitution du 20 janvier 1921, ne mentionne ni une religion ni la laïcité ; la loi constitutionnelle du 29 octobre 1923 en modifie l'article 2 en indiquant que «la religion de l'État turc est l'islam» (Türkiye Devletinin dini, Dîn-i İslâmdır). Cette mention est conservée dans la constitution du 20 avril 1924 (dont l'article 75 proclame néenmoins la liberté de conscience et de culte - à condition qu'elles ne s'opposent pas aux lois), supprimée le 11 avril 1928 et remplacée le 10 décembre 1937 par «l'État turc est républicain, nationaliste, populiste, étatiste, laïque et réformateur» (Türkiye Devleti, Cumhûriyetçi, Milliyetçi, Hâlkçı, Devletçi, Laik ve İnkılâpçı'dır), les «six principes d'Atatürk».

La Turquie est un des quelques pays surtout musulmans, comme certains États africains ou de l'ex-URSS, à être laïque. Cependant, la séparation entre les Églises et l'État n'est pas réciproque comme en France : la laïcité s'accommode d'une mise sous tutelle de la religion par l'Etat, qui finance et forme des prêtres et des écoles religieuses. D'autre part, elle est juridiquement reconnue comme étant liée à l'ordre public, ce qui a été réaffirmé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) dans l'affaire Leyla Sahin contre Turquie   (en) (2004-2005) , dans laquelle la CEDH a soutenu l'interdiction du voile dans certains cas.

Aujourd'hui

Le principe de laïcité donne lieu à des débats car il doit pouvoir se concilier avec l'exercice du culte, c'est-à-dire éviter les ingérences tout en garantissant la liberté de conscience.

Au niveau législatif

La loi ne tire pas sa légitimité d'une conformité à des préceptes religieux (pour tout autant, la loi peut contenir des articles qui peuvent être mis en correspondance avec tel ou tel précepte religieux).

Les États laïques sont plus ou moins éloignés des prescriptions religieuses selon la conception qu'ils ont de cette laïcité. Ils défendent les droits de chaque citoyen contre d'éventuelles règles religieuses qui seraient en contradiction avec l'ordre public, en particulier avec les droits et les libertés de chacun.

Au niveau judiciaire

Le citoyen est jugé indépendamment de ses convictions religieuses.

Au niveau exécutif

L'exercice du pouvoir politique n'est conditionné ni par le respect de prescriptions religieuses ni par l'appartenance à un groupe religieux.

Laïcité par pays

Article détaillé : État séculier.
Carte des pays séculiers (cliquez sur la carte)

À partir du moment où la liberté de culte est assurée, on s'aperçoit que l'influence des Églises n'est pas directement corrélée à leur statut juridique. Par exemple la Suède, pays reconnaissant l'Église évangélique luthérienne comme religion d'État jusqu'au 1er janvier 2000, est sans doute l'un des pays les moins religieux d'Europe car en un siècle l'Église de Suède est devenue, comme la monarchie, un simple folklore pour la majorité des habitants.

Au contraire, des pays de constitution laïque comme la France ou le Portugal ont une tradition catholique toujours vivace. Le classement suivant repose par conséquent seulement sur le statut juridique des Églises, sans présumer de leur poids politique effectif.

Pays constitutionnellement laïques

Pays athées

Évidemment, la laïcité n'est pas l'athéisme d'Etat, puisque la Laïcité suppose la liberté de conscience, celle de croire comme de ne pas croire, mais également la liberté de pratique religieuse (article premier de la loi de 1905).

Pays séculiers

Pays reconnaissant aux Églises un statut spécial comparé aux autres associations ou dont la constitution fait référence à Dieu. La constitution de ces pays établit la séparation de l'Église (ou plutôt des religions, au pluriel) et de l'État.

Le confessionalisme, exception libanaise

Article détaillé : Confessionalisme.

Pays où le pouvoir est réparti entre différentes communautés religieuses de façon à assurer la stabilité politique.

Pays avec religion d'État

Pays où une religion est déclarée comme dominante par la Constitution et jouit d'un statut privilégié, sans pour tout autant former un «État religieux» au sens où le pouvoir n'y est pas exercé «au nom de Dieu» :

États bouddhistes

États chrétiens

État juif

Israël

Fondé comme l'État pour les juifs, il devint L'État juif, suite à un accord entre David Ben Gourion et la minorité orthodoxe dans l'objectif d'obtenir son soutien dans la guerre d'indépendance contre la Grande-Bretagne. Actuellement, la situation israélienne est complexe.

États musulmans

Qatar, Bahreïn, Oman, Émirats arabes unis, Yémen, Jordanie, Irak, Algérie, Tunisie, Maroc, Libye, Mauritanie, Somalie, Soudan, Afghanistan, Pakistan, Bengladesh, Malaisie, Djibouti.

Pays théocratiques

Gouvernements dans lesquels les clercs ou leurs représentants exercent l'autorité au nom de Dieu.

Voir l'article dédié : Liste de théocraties.

Un cas spécifique : l'Union européenne

L'Union européenne regroupe des États ayant des conceptions différentes de la laïcité. Pour tenter de gommer ces divergences, le Projet de traité instituant une Constitution pour l'Europe (juin 2003) consacrait l'article 51 de sa première partie au statut des Églises et des organisations non confessionnelles :

Énormément en France se sont élevés contre l'alinéa 3, estimant qu'il accordait aux Églises des privilèges incompatibles avec une constitution laïque. Cet alinéa faisait de toute façon double emploi avec l'article 46 (-2)  : «Les institutions de l'Union entretiennent un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives et la société civile.»

En revanche, d'autres ont regretté qu'il ne soit pas fait référence, non pas à la religion, mais à la culture chrétienne comme socle commun des peuples européens. Mais, il s'agissait d'une référence implicite aux fondements judéo-chrétiens d'une partie uniquement de nos dispositifs moraux, juridiques et politiques, qui impliquait aussi, de facto, une prise de position sur l'entrée des Balkans et de la Turquie. (sur ce sujet, cf. J-P. Willaime, Europe et religion, les enjeux du XXIe siècle, Fayard, 2004. )

Le Conseil de l'Europe exhorte quant à lui ses États membres à refuser le relativisme culturel et rappelle la primauté de la séparation des Églises et de l'État et des droits de l'Homme. Il les exhorte surtout à veiller à ce que la liberté de religion ne soit pas acceptée comme un prétexte à la justification des violations des droits des femmes et condamne toute coutume ou politique fondée sur ou attribuée à la religion qui irait à son encontre, citant les mariages forcés, les mutilations génitales, les oppositions au divorce ou à l'avortement, l'imposition de code vestimentaire aux mineures (Résolution 1464 (2005) - Femmes et religion en Europe).

Voir aussi

Bibliographie

Ouvrages
Articles
Rapports

Liens externes

Notes et références

  1. L'orthographe «laïc» est aussi envisageable au masculin.
  2. ou encore «non clerc, illettré» et particulièrement «non militaire», «non séculier», «vulgaire»
  3. Alain Rey (dir. ), Dictionnaire historique de la langue française, éd. Le Robert, 1998, p.  1961.
  4. Yves Congar, Sacerdoce et laïcat, 1962.
  5. P. Segur, «Aux sources de la conception occidentale de la laïcité», in Champs Libres, études interdisciplinaires : Justice et religion, Université de Toulon et du Var, éd. L'Harmattan, 2000, p. 31 et suiv. article en ligne
  6. Walter Ullmann, A History of Political Thought : The Middle Ages, 1965, p. 40 et suivantes.
  7. Bulle pontificale Unam Sanctam de 1302
  8. Gélase ne parlait que de deux «pouvoirs», cf. Lettre 12, à l'empereur Anastase, édition Thiel.
  9. Mayke de Jong, Sacrum palatium et ecclesia L'autorité religieuse royale sous les Carolingiens (790-840) , in Annales 2003/6, 58e année, p. 1243-1269 article en ligne ([pdf])
  10. P. Segur, Aux sources de la conception occidentale de la laïcité, op. cit.
  11. C. Lefort, Permanence du théologico-politique, éd. Gallimard, 1981, pp. 13 à 60, cité par P. Segur, op. cit.
  12. P. Segur, Aux sources de la conception occidentale de la laïcité, op. cit.
  13. Henri Pena-Ruiz, Histoire de la laïcité : genèse d'un parfait
  14. Ferdinand Buisson, «Nouveau dictionnaire de pédagogie», 1911. Consulté le 8 octobre 2008
  15. Henri Pena-Ruiz, Histoire de la laïcité, genèse d'un parfait, Gallimard, coll. «Découvertes / Histoire», 2005 (ISBN 2-07-030038-2) , «2 - Dieu et César : une liaison dangereuse»
  16. Michaël Waltzer, Essai sur la tolérance, Presse de l'Université Yale, 1997. [réf.  incomplète]
  17. Radio-France Outremer - L'islam à Mayotte par Marie Sawiat
  18. Protestation dans le site Riposte laïque
  19. la Loi ne définit pas clairement ce qui est ostentatoire ou non, ni même ce qui est ou non un signe religieux, mais cette interdiction récente, conçu pour endigué un mouvement de prosélytisme traditionaliste musulman, semble avoir atteint son but
  20. Pierre Tournemire, Un combat historique, in TDC n° 903, novembre 2006, article en ligne
  21. texte du décret-loi du 16 janvier 1939 : Institution aux colonies de conseils d'administration des missions religieuses.
  22. Nicole Bacharan, Faut-il avoir peur de l'Amérique ?, Paris, éditions du Seuil, 2005, ISBN 2-02-079950-2, p. 96
  23. Guy Haarscher, La laïcité, Paris, PUF, que sais-je ? 3e édition, 2004, ISBN 2-13-053915-7, p. 102
  24. Nicole Bacharan, Faut-il avoir peur de l'Amérique ?, Paris, éditions du Seuil, 2005, ISBN 2-02-079950-2, p. 99
  25. Nicole Bacharan, Faut-il avoir peur de l'Amérique ?, Paris, éditions du Seuil, 2005, ISBN 2-02-079950-2, p. 99-100
  26. Nicole Bacharan, Faut-il avoir peur de l'Amérique ?, Paris, éditions du Seuil, 2005, ISBN 2-02-079950-2, p. 87
  27. Nicole Bacharan, Faut-il avoir peur de l'Amérique ?, Paris, éditions du Seuil, 2005, ISBN 2-02-079950-2, p. 100
  28. (en) Une étude de Penny Edgell (sociologue) [1]. Référence : Atheists as ‘Other' : Moral Boundaries and Cultural Membership in American Society, Penny Edgell, en collaboration avec Joseph Gerteis et Douglas Hartmann. 2006. in American Sociological Review #71 (avril 2006)
  29. Constitution éthiopienne sur le site du Conseil de la Fédération
  30. Robert Barnes, Court Wades Shallowly Into Church and State, Washington Post, 8 octobre 2009
  31. A Cross in the Wilderness, Washington Post (éditorial), 8 octobre 2009
  32. Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles. Rapport final intégral. Document consultée le 2010.02.22
  33. Reportage de Radio-Canada. [http ://www. radio-canada. ca/nouvelles/National/2008/05/22/003-reax-BT-politique. shtml. Page consultée le 2010.02.22
  34. Article dans Le Devoir. [2]. Page consultée le 2010.02.22
  35. Commission de consultation sur les pratiques d'accommodement reliées aux différences culturelles. Rapport final intégral. Page 21. Document consultée le 2010.02.22
  36. Ley orgánica d'educación (4 mai 2006)
  37. (es) Texte de la loi organique d'éducation d'Espagne - document à télécharger
  38. Fabrice Nodé-Langlois, «L'Église s'invite dans les écoles russes», dans Le Figaro du 02/09/2006, [lire en ligne]
  39. http ://www. admin. ch/ch/f/rs/101/ani1. html
  40. En visite au Japon - Le dalaï-lama prône le respect de l'ensemble des religion

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