Apatheia

L'apatheia, est un terme du vocabulaire de l'ascétisme et de la mystique. Fréquemment traduit par «impassibilité», il veut dire littéralement «absence de passions» et «tranquillité de l'âme» parvenue au détachement parfait ou même à l'«impeccabilité».



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  • L'apatheia est en somme, l'absence de passions et ne doit pas être... Cassien ne parle pas d'apatheia mais de «pureté du cœur et tranquillité de l'âme.... (source : memoireonline)
  • l'abandon des passions et des habitudes du passé, autant de l'âme que du corps...... de soi-même comme l'apatheia est une inconscience de son corps.... (source : orthodoxa)
  • l'abandon des passions et des habitudes du passé, autant de l'âme que du corps...... L'apatheia ne consiste pas à ne point éprouver les passions, mais à ne point... de soi-même comme l'apatheia est une inconscience de son corps.... (source : monachesimo.blogspot)

L'apatheia, est un terme du vocabulaire de l'ascétisme et de la mystique. Fréquemment traduit par «impassibilité», il veut dire littéralement «absence de passions» et «tranquillité de l'âme» parvenue au détachement parfait ou même à l'«impeccabilité»[1].

Le terme se compose d'un alpha privatif et d'un dérivé de pathos, «ce qu'on éprouve, ce qu'on subit» (même racine que le latin pati, subir, souffrir, dont dérive passio).

Ce terme, par un glissement sémantique, a donné le mot «apathie» actuellement.

Évagre le Pontique, Père du désert égyptien, va l'intégrer dans sa doctrine ascétique. Ce dernier est reconnu, sinon particulièrement comme l'auteur de cette notion, du moins comme son père principal. Evagre ne fait que reprendre après Clément d'Alexandrie ou Origène aux IIe et IIIe siècles une notion connue du monde chrétien de l'époque mais il a le mérite de mettre par écrit ce qu'il entend par cet apatheia, et les moyens par lesquels il conseille d'y parvenir.

Historique

Une maxime de l'apatheia : «Débute par les petites choses : on renverse ton huile ? On vole ton vin ? Dis : c'est à ce prix que j'achète l'apathie, à ce prix l'ataraxie.»[2]

La notion d'Apatheia a été précédée par celle d'Ataraxia, terme qu'on retrouve chez Démocrite au IVe siècle avant notre ère, comme tranquillité d'âme. Cette notion est moins radicale que celle de l'apatheia.

Apatheia est un terme en usage dans la philosophie grecque, tout autant chez les mégariques (IVe siècle av. J. -C. ), les stoïciens (IIIe siècle av. J. -C. ), que chez les sceptiques. C'est l'état du sage qui méprise la douleur ou ne la ressent plus. Au IInd siècle de notre ère, ce terme passe dans le vocabulaire populaire du fait de la grande diffusion du stoïcisme. On retrouve aussi la notion d'apatheia chez les Pères apologistes sans que cependant le terme, étranger au vocabulaire du Nouveau Testament, n'apparaisse dans leur discours.

Pour les stoïciens, la vie morale est une lutte entre la raison libre et les passions. Grâce à son libre arbitre, l'homme dompte ses instincts et ses passions et fait régner en lui la raison, synonyme de vertu. L'idéal du sage stoïcien est de devenir apathès, c'est-à-dire libéré des quatre passions principales pour le dispositif stoïcien : - tristesse (lypè), - désir (epithymia), - crainte (phobos), - plaisir (èdonè). L'apatheia stoïcienne est par conséquent une tranquillité de l'âme parvenue au détachement.

Epictète (50-125), un des trois grands maîtres du stoïcisme avec Sénèque (Ier siècle av. J. -C. ) et Marc-Aurèle (121-180) évoque la grandeur qui vient et mène à Dieu. Cette «conformité à Dieu» se définit par un état de paix intérieure, synonyme d'apatheia. Cette paix intérieure sera recherchée par la délivrance de l'âme des passions qui l'assaillent.

Après les grands maîtres du stoïcisme, nous retrouvons cette notion d'apatheia chez un philosophe grec d'origine juive, du Ier siècle de notre ère (13 av. J. -C. à 54 apr. J. -C. ), Philon d'Alexandrie.

Plus tardivement, ce concept d'apatheia apparaît chez Plotin (205-270)  : «Si on ne se détache pas de ces passions et de ces vanités, on restera vide de Dieu.»[3]. Pour Epictète et Plotin, cet état d'apatheia, originellement à caractère profane, fait partie des attributs divins.

Le terme apatheia est étranger au vocabulaire du Nouveau Testament ainsi qu'à celui des Pères apologistes. Pourtant, c'est l'adjectif apathès qu'on retrouve par deux fois chez Ignace, évêque d'Antioche. Ce grand mystique applique le qualificatif au Christ glorieux et dans un sens physique : «L'impassible (apathès) qui, pour nous, est devenu passible et a enduré toutes sortes de souffrances.»[4]

Aucun des Pères de l'Église au IIe siècle, n'a décrit aussi fortement que Clément d'Alexandrie (150-211), l'idéal de l'apatheia : «Il fait tous ses efforts pour être identique au Maître au point de parvenir à une absence de passions (apatheia).»[5] Pour Clément, l'apatheia est la marque de l'homme qui s'est complètement dominé, pour faire triompher en lui la raison, à l'image du Dieu impassible par nature. [6] Clément introduit par conséquent dans sa doctrine ascétique, et surtout dans son concept d'apatheia, une grande innovation comparé à celui de l'apatheia stoïcienne : les notions d'absence de passions (apatheia), de connaissance (gnôsis) et de charité ou d'amour (agapè) sont interdépendantes.

Au contraire de son maître Clément d'Alexandrie, Origène (v. 185 - v. 254) sera plus proche de la vie quotidienne, en présentant sa doctrine de l'apatheia comme un parfait que lui-même essaiera de vivre. «Origène s'est proposé moins de faire la théorie de l'ascétisme que le portrait de l'ascète, portrait qu'il a voulu réaliser dans sa vie en même temps qu'il le peignait dans ses écrits.»[7]

La doctrine de l'apatheia en Occident est plus ou moins vouée à l'insuccès à cette époque, les Latins étant généralement des moralistes avertis, ils pensent que la suppression totale des passions dans l'âme est impossible. Leur porte-parole en ce début du IVe siècle est Lactance, le «Cicéron chrétien» des humanistes. Pour Lactance, la passion est la condition principale de la vie de l'âme ; en effet les passions sont liées physiologiquement aux organes du corps, et les supprimer équivaudrait à une véritable castration. [8] Donc, supprimer les passions est impossible, et les modérer s'avère insuffisant : il faut par conséquent diriger les passions. Dans le Livre VI de ses Institutions, Lactance déclare que les passions sont comme le reste, l'œuvre de Dieu ; or comme il est admis que l'ensemble des œuvres de Dieu sont bonnes, c'est l'homme qui seul corrompt ces passions.

Pallade emploie le terme d'apatheia dans des récits où cet état est synonyme de celui d'insensibilité ou d'indifférence. On retrouve d'ailleurs ce même emploi du terme apatheia chez un autre moine du Désert, Appolô  : «Que vous serve de preuve, disait-il, dans le progrès des vertus, le moment où vous aurez acquis l'insensibilité et l'absence de désirs.»[9]

C'est avec des Pères égyptiens tels Macaire l'Égyptien et Didyme l'Aveugle que nous allons assister à une modification sensible et progressive de cette conception stoïcienne de l'apatheia. Macaire l'Égyptien était conscient que cette perfection absolue n'était pas de ce monde, et déclarait n'avoir jamais rencontré un moine vraiment parfait (uniquement parfait sur quelques points, mais jamais sur tous), «car le péché se cache toujours dans quelque coin de l'âme humaine.»[10]

Didyme surnommé l'Aveugle (313-398), un des chefs de l'École Catéchétique d'Alexandrie au IVe siècle prône une doctrine comparable à celle de l'apatheia. Dans son ouvrage Sur le Saint-Esprit[11], il décrit l'apatheia de l'âme juste qui consiste, non plus en indifférence absolue, mais en une tranquillité de l'âme qui n'a plus à redouter les passions.

La notion d'apatheia chez Évagre le Pontique forme le noyau de sa doctrine ascétique. Son examen et son analyse passeront principalement par la lecture du Praktiké (Traité Pratique ou le Moine), ouvrage qui aurait pu tout autant s'intituler Peri apatheias, car le substantif apatheia y revient quinze fois, l'adverbe apathôs deux fois, et le qualificatif apathès une fois.

Selon lui, les passions sont liées à notre corps, et l'apatheia consistera plutôt qu'à les supprimer, à ne pas les déclencher. Ceux qui les déclenchent ou les «meuvent» en nous, ce sont les démons ; l'ascèse consiste par conséquent avant tout, en une lutte contre les démons. Evagre emploie le terme logismoi (les démons) au sens de «mauvaises pensées». «Les preuves de l'apatheia, nous les reconnaîtrons, de jour aux pensées, et de nuit aux rêves.»[12] L'anachorète a besoin de ces preuves (tekmeria), pour lui garantir et lui indiquer son progrès spirituel. Quant aux rêves, ils fournissent un excellent diagnostic sur le degré d'apatheia de l'âme. Cependant, Evagre va s'attacher davantage à décrire concrètement les premiers degrés de l'apatheia, plutôt qu'à en donner une définition théorique : «fausse apatheia» génèrée par les démons, «apatheia relative», «apatheia imparfaite», mais également «apatheia particulièrement profonde» ou «parfaite.»[13]

Pour Evagre la «partie passionnée» de l'âme a son rôle à jouer dans le maintien de l'apatheia, et par conséquent il est intéressant de constater, que pour lui, le rôle dévolu au corps charnel, dont dépendent ces deux parties de l'âme, occupera une large part de la Praktiké.

À la fin de l'âge patristique en Orient, l'apatheia est enseignée par l'ensemble des maîtres de la vie spirituelle :

Histoire récente de l'Apatheia

Aujourd'hui, les notions d'Hesychia et de Nepsis, concepts voisins de l'apatheia, sont d'actualité et seraient même empruntées par les courants New Age. Il existe cependant une certaine méfiance vis-à-vis du concept de «pureté» qui, comprise comme l'abolition de tout désir, peut être décriée, comme contraire à l'épanouissement de la personne humaine cher à notre temps. Et néenmoins, dans le domaine de la psychothérapie ou celui de la psychanalyse, nous retrouvons des notions susceptibles de se rapprocher de celle de l'apatheia.

Les méthodes qui évoquent la «catharsis», les psychothérapies de groupe, les psychodrames recherchent une purification de l'âme comparable à l'Apatheia, au sens moral ou psychologique, une libération de résidus affectifs, de «mémoires, de «passions» qui perturbent le jeu normal des structures inconscientes de la personnalité, qui l'empêchent de progresser, d'évoluer dans ses relations avec elle-même, donc avec autrui et bien entendu pour le croyant, avec son Dieu.

Voir aussi

Bibliographie

Lien externe

Références

  1. BARDY G : «Apatheia», DS, tome I, p. 727.
  2. EPICTETE, Manuel 12, 2.
  3. Ennéades V, 5, 11
  4. «Epître à Polycarpe», III, 2
  5. Stromates VI, 72
  6. Stromates II, 72, 2
  7. P. POURRAT, La Spiritualité chrétienne, tome I, p. 114
  8. Institutions VI, 15.
  9. A. J. FESTUGIERES, Les moines d'Orient – Enquête sur les Moines d'Égypte, § 15, 98
  10. Homélies spirituelles VIII, 5.
  11. Sur la Trinité Chapitre 11 - PG 39, 1042
  12. Praktiké Traité Pratique, chap. 56
  13. Praktiké Traité Pratique, chap. 57, 58, 60.
  14. M. VILLER, Aux sources de la spiritualité de Saint-Maxime, chap. 5, p. 168-180, La practikè : Vie active ou Pratique. Pathos et apatheia.
  15. La Cité de Dieu, B. A. 35, p. 536
  16. toute la démarche spirituelle de Jean Cassien commence par les liens d'amitié qu'il entretient avec Germain.
  17. Conférences I, 7
  18. Conférences XII, 11.
  19. Du détachement et autres textes, p. 55-56
  20. La Nuit obscure, I
  21. Traité de l'amour de Dieu, Livre IX, chap. 9
  22. FOUCAULD (Charles de )  : Écrits spirituels, Paris 1923, p. 144

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