Peuple déicide

Le peuple déicide est une expression polémique désignant jadis le peuple juif, en opposition avec le peuple de Dieu, qui est le nom donné à l'Église chrétienne.



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  • ... «Les juifs sont un peuple déicide, maudit et nuisible, contre lequel l'Église doit se défendre, actuellement comme par le passé».... (source : upjf)
  • Source du christianisme et peuple déicide. La Bible du judaïsme forment l'Ancien Testament du christianisme. Jésus et ses apôtres étaient juifs.... (source : atheisme.free)
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Le peuple déicide est une expression polémique désignant jadis le peuple juif, en opposition avec le peuple de Dieu, qui est le nom donné à l'Église chrétienne. Le terme «déicide», dont le premier utilisateur paraît être Pierre Chrysologue, veut dire le meurtre de Dieu, c'est-à-dire la crucifixion du Christ selon le point de vue chrétien.

Cette expression forme l'un des fondements historiques de l'antisémitisme chrétien. Elle s'appuie sur plusieurs passages du Nouveau Testament, surtout dans les Épîtres de Paul, et reprend l'accusation lancée par Méliton de Sardes dans son Sermon de Pâques mais aussi par Grégoire de Nazianze et Jean Chrysostome, entre autres : les Juifs seraient les «meurtriers de Dieu» et porteraient la culpabilité de la crucifixion. Ce thème, sous-entendu dans la liturgie catholique[1], peu habituel dans les textes théologiques et contredit par le concile de Trente, fut par contre récurrent jusqu'au concile Vatican II. Parmi les formulations classiques, revenait l'idée que «le déicide est sur le peuple d'Israël».

Dans le Nouveau Testament

«Jésus sortit par conséquent dehors, portant la couronne d'épines et le manteau de pourpre ; et Pilate leur dit : «Voici l'homme !» Quand ils le virent, les grands prêtres et les gardes vociférèrent, disant : «Crucifie-le ! Crucifie-le !»»

Au chapitre 5, les apôtres comparaissent devant le Sanhédrin (Ac, 5, 27-39).

«Les ayant par conséquent amenés, ils les firent comparaître devant le Sanhédrin. Le grand-prêtre les interrogea : nous vous avions formellement interdit d'enseigner en ce nom-là. Or voici que vous avez rempli Jérusalem de votre doctrine ! Vous voulez ainsi faire retomber sur nous le sang de cet homme-là ! Pierre répondit alors, avec les apôtres : Il faut obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes. Le Dieu de nos pères a ressuscité ce Jésus que vous, vous aviez fait mourir en le suspendant au gibet.»

On trouve, dans le Nouveau Testament, un autre exemple dans la première épître aux Thessaloniciens (1 Th 14-16), mais aussi dans l'épître aux Romains (chapitres 9-10).

Daniel Marguerat constate un «intéressant changement de vocabulaire entre le début et la fin du récit» des Actes des Apôtres. Les premiers chapitres soulignent l'écoute et l'harmonie qui régnaient autour de la première communauté groupée autour des apôtres. «Le terme «juif», quasi absent des huit premiers chapitres, est utilisé en rafale dès le chapitre 13 (concile de Jérusalem), et pourvu d'une connotation encore plus négative»[2].

De Nicée au concile de Trente

L'expression de «peuple déicide» ou plutôt des formules analogues sont restées en usage à l'intérieur du christianisme même si le symbole de Nicée (325 ap. JC) ne fait aucune allusion au peuple juif. En sens inverse, l'office des Ténèbres du Vendredi saint a longtemps repris les accusations d'Augustin d'Hippone à l'égard des Juifs, extraites de son Commentaire sur les Psaumes : «Que les Juifs ne disent pas : Nous n'avons pas tué le Christ[3]

Ainsi, une formule fut introduite dans la liturgie du Vendredi saint au VIIe siècle, commençant par Oremus et pro perfidis Judæis («Prions aussi pour les juifs perfides»). Cette formule a, entre autres, créé des conditions favorables au développement de ce que Jules Isaac a nommé l'enseignement du mépris, qui a conduit à l'antijudaïsme ainsi qu'à l'antisémitisme. Cependant, cette perfidia judaica a trait au supposé «aveuglement» du peuple juif, qui n'a pas reconnu le Christ. Elle ne sous-entend pas l'accusation de «déicide». Dans la pratique, ces deux thèmes se sont cependant confondus, au point que le Vendredi saint a longtemps été synonyme d'agressions contre les Juifs, ou alors de massacres. Les pogroms en Russie et en Pologne étaient habituellement liés au Vendredi saint.

D'autre part, l'historienne Sylvia Schein souligne l'influence de l'antisémitisme franciscain à partir du XIVe siècle. Ce fut en 1333 que cet ordre reçut définitivement la Custodie de Terre sainte : c'est à dire, les Franciscains devinrent les gardiens officiels des Lieux saints du christianisme. Selon Sylvia Schein, ils propagèrent auprès des pèlerins le thème du peuple juif «assassin du Christ», ce qui contribua à répandre l'antisémitisme à travers l'Europe[4]. Cette propagande, «systématique» selon Sylvia Schein, visait surtout à empêcher le retour des Juifs en Terre d'Israël, même si, sur place, les rapports entre Juifs et Franciscains étaient peu conflictuels[5].

Pourtant, le catéchisme du concile de Trente (1566) ne porte aucune accusation de «déicide» à l'encontre des Juifs. Il introduit une déclaration précise sur les causes de la mort de Jésus-Christ :

«Il faut ensuite exposer les causes de la Passion, pour rendre plus frappantes toujours la grandeur et la force de l'amour de Dieu pour nous. Or, si on veut chercher le motif qui porta le Fils de Dieu à subir une si douloureuse Passion, on trouvera que ce furent, hormis la faute héréditaire de nos premiers parents, les péchés et les crimes que les hommes ont commis depuis le commencement du monde jusqu'à ce jour, ceux qu'ils commettront toujours jusqu'à la consommation des siècles. (... ) Les pécheurs eux-mêmes furent les auteurs et comme les instruments de l'ensemble des peines qu'il endura.»

Le «déicide», selon le concile de Trente, a pour cause la totalité des péchés de l'ensemble des hommes depuis le péché originel.

Le thème du peuple juif «meurtrier de Dieu» ou «meurtrier du Christ» demeure cependant une constante dans de nombreux sermons.

C'est au XIXe siècle uniquement que l'expression de «peuple déicide» désignant le peuple juif apparaît dans la littérature, par exemple dans les Harmonies de Lamartine, puis est réutilisée par de multiples textes antisémites, surtout la presse catholique de combat comme La Croix avant et pendant l'affaire Dreyfus.

Nostra Ætate

Lors du concile Vatican II, une ancienne version de la déclaration Nostra Ætate prévoyait dans son alinéa 7 de ne plus présenter le peuple juif comme déicide.

«... que jamais le peuple juif ne soit présenté comme une nation réprouvée ou maudite ou coupable de déicide...»

Cette mention a été supprimée dans la version finale.

La quatrième partie de Nostra Ætate, consacrée au judaïsme, inclut le passage suivant, qui ne mentionne pas le mot "déicide" :

«Encore que des autorités juives, avec leurs partisans, aient poussé à la mort du Christ (13), ce qui a été commis durant sa passion ne peut être imputé ni indistinctement à l'ensemble des Juifs vivant alors, ni aux Juifs de notre temps. S'il est vrai que l'Église est le nouveau peuple de Dieu, les Juifs ne doivent pas, pour tout autant, être présentés comme réprouvés par Dieu ni maudits, comme si cela découlait de la Sainte Écriture. Que tous par conséquent aient soin, dans la catéchèse et la prédication de la parole de Dieu, de n'enseigner quoi que ce soit qui ne soit conforme à la vérité de l'Évangile ainsi qu'à l'esprit du Christ.»

La déclaration mentionne une fois l'expression «peuple juif» :

«Elle (l'Église) rappelle aussi que les apôtres, fondements et colonnes de l'Église, sont nés du peuple juif, ainsi qu'la plupart des premiers disciples qui annoncèrent au monde l'Évangile du Christ.»

Après Vatican II

L'Église catholique, après le concile Vatican II, compte tenu de la Shoah, insiste sur le fait qu'il faut tenir compte du contexte spatio-temporel des événements pour interpréter l'histoire. Il ne faut pas généraliser les accusations, surtout contre le peuple juif, ni les déplacer à d'autres périodes.

Le catéchisme a été revu dans ce sens. Le catéchisme de l'Église catholique promulgué en 1991 s'inspire de la déclaration Nostra Ætate. Il existe plusieurs études sur l'interprétation des textes à ce sujet.

Notes et références

  1. À l'exception de l'office des Ténèbres et des Impropères du Vendredi saint, où il est explicite.
  2. Daniel Marguerat. Le déchirement. Juifs et chrétiens au premier siècle. Juifs et chrétiens selon Luc-Actes. Page 167.
  3. Sixième leçon de l'office des Ténèbres, commentaire du Psaume 63 et sqq.
  4. Cathedra for the History of Eretz Isræl and Its Yishuv Jérusalem, n° 19, 1981, Recension en ligne.
  5. Revue des études juives, vol. 141, n° 3-4, 1982, Recension en ligne;

Bibliographie

Annexes

Liens externes

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