Hépatoscopie

L'hépatoscopie ou hépatomancie est un art divinatoire pratiqué par les haruspices à partir de l'étude de foies animaux sacrifiés, assez répandu, surtout dans les civilisations de la Mésopotamie antique, chez les Phéniciens, les Grecs, puis...



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  • La Divination de A à Z - Hépatoscopie. C'est une mancie qui consistait à tirer des présages de l'examen de foies d'animaux sacrifiés.... (source : medium)
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Modèle de foies en argile issus de Syrie

L'hépatoscopie[1] ou hépatomancie (voir aussi : extipicine [2] ou splanchnomancie [3] enfin haruspicine) [4] est un art divinatoire pratiqué par les haruspices à partir de l'étude de foies animaux sacrifiés, assez répandu, surtout dans les civilisations de la Mésopotamie antique, chez les Phéniciens, les Grecs, puis les Étrusques avant que la Rome antique l'adopte.


Le foie dans l'Antiquité

«K-B-D   (en) (ou K-B-T) est une racine trilittérale trouvée dans l'ensemble des langues sémitiques avec le sens commun de «lourd» (avoir du poids), soit moins littéralement «important». Le substantif, dérivé à partir de la racine, ou vice versa, veut dire «foie», «intérieur», «âme» dans les langues sémitiques». Le foie était, pensait-on, le siège de l'âme, de la vie et du sang, comme aujourd'hui le cœur.

Article détaillé : K-B-D   (en)

En Grèce

Platon y place le siège de la divination, dans le Timée et lui donne le pouvoir de connaître la vérité grâce aux rêves (oniromancie)  :

«Et parce qu'ils savaient qu'elle ne comprendrait pas la raison et que, même si elle en avait d'une manière ou d'une autre quelque sensation, il n'était pas dans sa nature de s'inquiéter des raisons, et que jour et nuit elle serait en particulier séduite par des images et des fantômes, les dieux, pour remédier à ce mal, composèrent la forme du foie et la placèrent dans la demeure où elle est . Ils firent le foie compact, lisse, brillant et doux et amer à la fois, pour que la puissance des pensées qui jaillissent de l'intelligence allât s'y réfléchir comme sur un miroir qui reçoit des empreintes et produit des images visibles (... )

Mais, quand un souffle doux, venu de l'intelligence, peint sur le foie des images contraires et apaise son amertume, en évitant d'agiter et de toucher ce qui est contraire à sa propre nature, quand il se sert pour agir sur l'âme appétitive d'une douceur de même nature que celle du foie, qu'il restitue à toutes ses parties leur attitude droite, leur poli et leur liberté, il rend joyeuse et sereine la partie de l'âme logée autour du foie et lui fait passer honorablement la nuit en la rendant capable d'user, au cours du sommeil, de la divination, parce qu'elle ne participe ni à la raison ni à la sagesse.

C'est ainsi que ceux qui nous ont constitués, fidèles à l'ordre de leur père, qui leur avait enjoint de rendre la race mortelle aussi idéale qu'ils le pourraient, perfectionnèrent même cette pauvre partie de notre être en y mettant l'organe de la divination, pour qu'elle pût toucher en quelque manière à la vérité. Ce qui montre quoique Dieu a donné la divination à l'homme pour suppléer à la raison, c'est qu'aucun homme dans son bon sens n'atteint à une divination inspirée et véridique ; il ne le peut que au cours du sommeil, qui entrave la puissance de l'esprit, ou lorsque sa raison est égarée par la maladie ou l'enthousiasme.

C'est à l'homme dans son bon sens qu'il appartient de se rappeler et de méditer les paroles prononcées en songe ou dans l'état de veille par la puissance divinatoire ou par l'enthousiasme, de soumettre à l'épreuve du raisonnement l'ensemble des visions aperçues et de chercher comment ainsi qu'à qui elles annoncent un mal ou un bien futur, passé ou présent. Mais lorsque un homme est dans le délire et qu'il n'en est pas encore revenu, ce n'est pas à lui à juger ses propres visions et ses propres paroles et le vieux dicton a raison qui affirme qu il n'appartient qu'au sage de faire ses propres affaires et de se connaître soi-même. C'est pourquoi la loi a institué la race des prophètes pour juger les prédictions inspirées par les dieux. On leur donne quelquefois le nom de devins : c'est ignorer complètement qu'ils sont des interprètes des paroles et des visions mystérieuses, mais non pas des devins : le nom qui leur convient le mieux est celui de prophètes des choses révélées par la divination.

Voilà pour quelle raison le foie a la nature et la place que nous disons ; c'est pour la divination. Ajoutons que c'est dans le corps vivant qu'il donne les signes les plus clairs. Privé de la vie, il devient aveugle et ses oracles sont trop obscurs pour avoir une signification précise. Quant au viscère voisin, il a été fabriqué et positionné à gauche en vue du foie, pour le tenir toujours brillant et pur, comme une éponge disposée en vue du miroir et toujours prête pour l'essuyer.»

— Platon, Timée, 71-72


Les Grecs connaissaient cette la divination nommée mantique, mais ils examinaient aussi les exta, les entrailles des victimes des sacrifices[5]. Quand en - 396, le roi de Sparte Agésilas, voulut piller l'Asie Mineure, il interrogea les foies, qui tous étaient incomplets et il abandonna son entreprise[6], de même que le roi Agésipolis Ier entrant en Argolide renonça à la guerre faute de hiera kala, de présage favorable.

En Mésopotamie

Nous possédons les fragments d'un traité d'hépatoscopie babylonienne, remontant peut-être à l'an 2000 av. J. -C. et elle a été fixée chez les Étrusques par les libri rituales[7].


L'hépatoscopie dans la religion babylonnienne a été étudiée en détail par Georges Contenau [8] et Victor Scheil. Le foie était le siège de la vie et du sang. Diodore de Sicile rapporte ceci au sujet des docteurs chaldéens : «Ils sont versés dans l'art de prédire l'avenir par le vol des oiseaux ; ils expliquent les songes et les prodiges. Expérimentés dans l'inspection des entrailles des victimes, ils passent pour saisir précisément la vérité.». Le Livre de Daniel (Chapitre 2) dans la Bible fait aussi allusion aux devins, magiciens et Chaldéens qui étaient les premiers dignitaires du Royaume perse (magiciens, astrologues et devins = ???? chartom, ???'ashshaph, ??? kashaph, Chaldéens = ?????? Kasdiy et ??????? chakkiym = sages, magiciens).

On appelait les devins bâru et bârutu la divination et ils ont laissé de très nombreux documents sur leur activités, liées à la médecine ainsi qu'à la divination, comme les prédictions faites aux rois akkadiens Sargon l'Ancien et Naram-Sin et sumérien I-Bid En-Zu[9].

«Si la surface de fiel entour dans sa circonférence la vésicule biliaire. Oracle de Sargon en vertu duquel il marcha contre l'Elam, vainquit les Élamites en les encerclant et en les coupant de leur ravitaillement.»

— V. Scheil, Oracles au sujet de Sargon l'Ancien RA, XXVI, 1929. Cité dans La Médecine Sumérienne, [10]

L'examen des entrailles apppellées les tîrânu relève d'une double influence syrienne et babylonnienne. Un traité (La 16e tablette de l'hépatoscopie) porte ce titre : «Si le foie est le miroir du ciel.» La symbolique est l'accès au Palais du roi-dieu.

Liste des parties dans l'ordre de consultation du foie 

Les différentes parties du foie (kabittu) ne formeraient pas à Mari la même symbolique qu'à Babylone. On trouverait ainsi sissiktum au lieu de manzazzum, et la vésicule est nommée «pasteur» tandis qu'une une zone est nommée «enclos». On ne serait plus dans l'image d'une civilisation de citadins mais de pasteurs[10].

Certains textes montrent que des signes extérieurs recensés indiquaient d'avance quelles étaient les bonnes bêtes, béliers ou moutons, à sacrifier et quel serait l'état du foie de l'animal. Le devin sacrifiait la bête en adressant des prières aux divinités (par exemple Shamash de Sippar et Adad) et examinait les viscères et le foie. Le baru disposait de modèles de foie en argile ou en bronze sur lesquels étaient inscrit les signes à reconnaître. Certains de ces foies, étudiés en assyriologie, sont conservés au British Museum[11] et au Musée du Louvre[12].

En Italie

Miroir étrusque (avec représentation du devin Calchas examinant un foie. Italie, Vulci, Ve siècle av. J. -C. Musée du Vatican.

Chez les Étrusques le dieu Tagès enseignait cet art. Les anciens faisaient dériver le nom des Etrusques, Tyrrheni, du mot grec θύειν, sacrifier aux Dieux, car c'était pour eux le peuple sacrificateur par excellence [13]. Ce sont des sacrifices sanglants, fréquemment accompagnés d'air de flûte et accomplis de manière rituelle, queMacrobe et Servius ont divisé en catégories suivant deux classes de victimes, hostiæ animales ou le sacrifice-don de la vie, anima, et hostiæ consultatoriæ, autrement dit une offrande ayant pour but la consultation de la divinité par le bais de l'hépatomancie ou consultation d'une réponse lue dans les entrailles ouverts de l'animal. Il est rapporté dans l'Etrusca disciplina. Les historiens ont le plus souvent souligné les ressemblances entre l'hépatoscopie étrusque et l'hépatoscopie babylonienne[14].

Les entrailles de la bête sacrifiée ou exta étaient brûlées dans des loci et offertes aux Dieux, après avoir été saupoudrées de farine salée (mola salsa) mais le cœur et foie étaient soumis à un examen divinatoire. On appelait cela présenter les entrailles (exta porrigere). Les Toscans avaient porté au nombre de sept les exta : foie et cœur, deux reins, rate, poumons et estomac (chiffre attesté par Aristote). On immolait divers animaux, divisés en animalia felicia et infelicia[15].

On comparait les foies des animaux sacrifiés pour la circonstance avec des modèles de foies en argile ou en bronze, les emplacement des différences et malformations (prodiges) déterminant l'intervention de l'ou des divinités attribuées au secteur reconnu.

Les textes grecs ont légué les noms des parties observées : fibræ (extrémités saillantes de l'organe) parmi lesquelles la tête (caput) avait une grande importance, «atrophiée, absente, turgide ou double, cohérente ou détachée» et son absence reconnue comme présage de mort[16]. Double, (caput duplex) elle était signe de dissensions, détachée par une fissure (caput cæsum), signe de révolution. Certains haruspices (fissulatores) accordaient plus d'importance à l'observation des fissures (fissaculare), comme dans la chiromancie : Il y avait une fissure familière (fissa familiaris) et une fissure hostile (fissa hostilis),  ; la couleur des foies (bleuâtre, cuivrée, rouge, noire) et la taille des lobes, ou leur atrophie[17] Les anomalies comme le foie double ou enveloppé d'une double vésicule de fiel, ou positionné à l'endroit de la rate étaient observées avec soin, et symbole de prospérité, et les fissures extraordinaires ou mal dirigées redoutées[18]. L'art divinatoire, d'accord avec le bon sens, considérait généralement comme d'heureux présages les entrailles bien conformées, d'aspect florissant et plantureux[19] mais aussi les fissures fines et délicates. L'examen se prolongeait au cours de la cuisson des entrailles, avant leur combustion par le feu. Dans les consultations solennelles, pratiquées plutôt sur les bêtes à cornes (harvigæ), les haruspices soumettaient les entrailles à une ébullition prolongée. Si, au cours de cette contre-épreuve, un organe important venait à se dissoudre (jecur extabescit, effluit), le pronostic était obligatoirement fâcheux[20]. Si l'examen du foie était défavorable on sacrifiait quelquefois un second animal.

Le musée archéologique national de Chiusi possède et expose des pièces étrusques de même destination qu'utilisaient les haruspices, comme celui du musée de la ville de Plaisance : le foie de Piacenza : il contient en tout 40 inscriptions, un ruban de seize cases entoure le foie, correspondant à seize parties du ciel, où sont observables les foudres et les oiseaux (ornithomancie, auspices). Le foie est divisé en deux parties, l'une favorable (pars familiaris) l'autre inquiétante (pars hostilis, inimica), et s'y trouvent appelés des noms de divinités, comme Jupiter ou Saturne, la Lune et le Soleil[21]. Selon Raymond Bloch, les foies étrusques sont le reflet du ciel ou templum (espace céleste réservé à la divination des présages) divisé en 16 territoires avec ses divinités respectives, selon Pline le Jeune : à chaque secteur correspondrait une divinité à la fois dans le ciel et sur le foie de bronze [22]. Le foie étrusque serait ainsi une sorte de microcosmos.

Certaines œuvres d'art représentent l'haruspice avec le foie dans la main comme un miroir étrusque, le «Miroir de Calchas»[23], ou le personnage de Aule Lecu sur une urne funéraire de Volterra[24], sur les vases attiques [25], ou encore la stèle de Mantinée [26], le miroir de Tuscania[27]. D'autres œuvres ne nous sont pas parvenues : Pausanias vit à Olympie, la statue du devin Thrasybule, (IIIe siècle av. J. -C. ) avec à ses pieds un chien immolé, le foie à découvert.


Fegato di Piacenza en bronze.
Transcription.

Chez les Romains[28], la science des Haruspices, l'Aruspicina, comprenait deux choses : l'hépatoscopie et l'extispicine (examen d'entrailles).

Les signes étaient fréquemment interprétés comme annonciateurs de prospérité, et de pouvoir ou au contraire, de mort : Dans Tite-Live (livre 77) Sylla voit apparaître sur la tête du foie une couronne d'or et selon Plutarque, une couronne de lauriers et deux bandelettes[29]. Octave, le futur Auguste offrit à Spolète en 43 av. J. -C un sacrifice où l'ensemble des foies se montraient doubles ou repliés, iecinora replicata, les exta regalia étaient ainsi symboles de pouvoir et de puissance. Dans Lucain, l'haruspice Arruns observe l'absence de cœur et le dédoublement de la tête du foie, l'un brillant et l'autre flétri, ce qui annonce la défaite de Pharsale et Ovide mentionne aussi une caputs cæsum présageant la mort de César. Le caput ou la tête du foie semblait bien inscrire en lui le destin d'un homme et d'un chef en présage faste ou néfaste.


Dans son ouvrage de Divinatio, Cicéron ridiculise cette pratique et écrit : «Le vieux bon mot de Caton est fort spirituel : il s'étonnait, disait-il, qu'un haruspice pût regarder un autre haruspice sans rire». [30]

«Examinons, si tu le veux bien, la signification attachée aux entrailles. À qui par conséquent persuadera-t-on que ce que disent les haruspices, ils l'aient appris par de longues observations. Lorsque ont-elles commencé ? Pendant combien de temps ont-elles pu se prolonger. Comment les haruspices sont-ils convenus que telle partie du foie appartiendrait à l'ennemi, que telle autre nous concernerait directement, que certaines fissures annonçaient un danger, d'autres un avantage ? Les Étrusques, les habitants de l'Elide, les Égyptiens, les Carthaginois ont-ils tous eu part à cette convention ? Outre que pareille entente n'a pu en fait se conclure à aucun moment, on ne peut même pas l'imaginer : nous voyons en effet que l'interprétation des uns ne s'accorde pas avec celle des autres et qu'il n'y a pas de règles communes à tous»

— Cicéron de divinatione, 2, 12[31]


«Ce philosophe nous dit que la couleur et l'état des entrailles d'une victime désignent la qualité du pâturage, l'abondance ou la disette des productions de la terre, et même la salubrité ou la nature pestilentielle de l'atmosphère. l'heureux mortel! nous connaissons son intarissable gaieté.

Mais le désir de faire une plaisanterie l'a-t-il empêché de voir qu'elle n'aurait légèrement de vraisemblance que si les entrailles des animaux se trouvaient toutes au même instant dans le même état et de la même couleur? Car si à la même heure le foie d'un animal se trouve frais et entier, et celui d'un autre flétri et desséché, quelle induction peut-on tirer de l'état et de la couleur de leurs entrailles ?

(... ) ils examinent en particulier avec grand soin la tête du foie, et s'ils ne la trouvent par c'est , à leur avis, le présage des plus grands malheurs»

— Cicéron de divinatione 2

Hébreux et Chrétiens

Dans la Bible

Voici ce qu'écrit à ce sujet le P. Edouard Glotin, jésuite sur le rôle du foie chez les hébreux :

«Le foie, un équivalent archaïque du cœur ? Attesté uniquement dans un cantique prémonarchique (Gn 49, 6) et conjecturé par certains exégètes dans 5 antiques pièces des deux collections «davidiques» du psautier (Ps 7, 6 ; 16, 9 ; 30, 13 ; 57, 9 = 108, 2), l'usage anthropologique du foie (kâbêd) semble un archaïsme, d'ailleurs éliminé par la massore et (sauf en Gn 49, 6) par les LXX, en profitant de l'homonymie des consonnes radicales des mots foie et gloire (kâbôd). Sur ce point, «l'hébreu n'a pas suivi l'akkadien» et son usage métaphorique du foie (Dhorme). L'élimination culturelle du foie, néenmoins énormément valorisé chez les peuples méditerranéens (Romains, Grecs, Étrusques, Babyloniens) et jusqu'en Chine par la pratique divinatoire des haruspices, traduirait le réflexe d'auto-préservation de l'identité juive face en premier lieu aux cultes cananéens, puis à la religion chaldéenne (Le Goff). La prescription répétée, sous forme fréquemment stéréotypée, de l'Exode et du Lévitique de «faire fumer» devant le Seigneur le lobe du foie des victimes sacrées aurait peut-être été conçue pour soustraire cette partie de l'animal à l'hépatomancie (Lv 3, 4, note TOB). – Dans la même ligne polémique, à noter qu'à l'époque perse, le Livre de Tobie (6, 5-8 ; 8, 2) associera, comme remède antidémoniaque, la combustion du cœur à celle du foie du poisson, lequel, dans la littérature chrétienne postérieure, symbolisera le Christ. En ce qui concerne le Coran, L. Massignon, «Le cœur (Al–Qalb) dans la prière et la méditation musulmanes», EC 1950, p.  96 note que le mot «foie (fu'âd)», synonyme atténué du cœur, n'y figure que 16 fois, contre 131 emplois du mot «cœur (qalb)».»

— La Bible du Cœur de Jésus, Presses de la Renaissance, 2007. P. Edouard Glotin


Cet art divinatoire de l'hépatoscopie semble par conséquent avoir son origine en Chaldée et en Perse et n'était pratiqué que dans le paganisme auquel il est étroitement lié : Les Hébreux pratiquaient comme les Grecs (hécatombe) le sacrifice des animaux par le feu (holocauste) mais pas l'hépatoscopie, punie de mort comme toute forme de divination et dont il n'est fait allusion, dans la Bible que dans Ezéchiel au sujet du roi Nabuchodonosor et , chez les Perses comme chez les Grecs et les Romains on voit ici que cette «superstition» était liée à la guerre. On avait coutume dans l'antiquité de faire des sacrifices divinatoires avant une bataille ou une conquête pour savoir si les dieux seraient favorables et donneraient la victoire ou la défaite et ce que les foies laissaient prévoir de l'avenir (bons ou mauvais présages).

«Car le roi de Babylone s'est arrêté au carrefour, à la tête des deux chemins, pour tirer des présages : il secoue les devins, il interroge les théraphim, «il examine le foie» (??????) Dans sa droite est le présage «Jérusalem», pour dresser des béliers contre les murailles, pour ouvrir une entrée par une brèche, pour pousser à haute voix le cri de guerre, pour dresser des béliers contre les portes, pour élever des terrasses, pour construire des murs. À leurs yeux, ce n'est qu'une divination mensongère, ils ont pour eux les serments les plus sacrés, mais lui les fera souvenir de leurs iniquités quand ils seront pris.»

— Ezéchiel, 21, 26

L'hépatoscopie est probablement comprise chez les Hébreux dans cette interdiction du Deutéronome concernant le culte des idoles et les arts divinatoires païens :

« : «Qu'on ne trouve chez toi personne qui fasse passer son fils ou sa fille par le feu, personne qui exerce le métier de devin, d'astrologue, d'augure, de magicien, d'enchanteur, personne qui consulte ceux qui évoquent les esprits ou disent la bonne aventure, personne qui interroge les morts. Car quiconque fait ces choses est en abomination à l'Éternel ; et c'est à cause de ces abominations que l'Éternel, ton Dieu, va chasser ces nations devant toi.»»

— Bible, Deutéronome 18 :10-12 Le Livre de Tobie ne se déroule pas en Israël mais sur le chemin de la Médie, en Mésopotamie, vers Ecbatane. Le foie du poisson est relié par l'Ange Raphaël (= ange qui guérit) à la médecine : il ne s'agit pas de divination ; parallèlement aux coutumes chaldéennes dont les hébreux se différencient ici, le foie semble avoir un rôle central comme le cœur, mais, selon les propos de l'ange Raphaël comme remède, pour guérir les aveugles ou faire fuir les démons, ce qui sera la tâche du Christ (art de la médecine, expulsion des démons).

«L'enfant descendit au fleuve se laver les pieds, lorsque un gros poisson sauta de l'eau, et faillit lui avaler le pied. Le garçon cria, - et l'ange lui dit : "Attrape le poisson, et ne lâche pas!" Le garçon vint à bout du poisson, et le tira sur la rive. - L'ange lui dit : «Ouvre-le, enlève le fiel, le cœur et le foie ; mets-les à part, et jette les entrailles, parce que le fiel, le cœur et le foie font des remèdes utiles.» - Le jeune homme ouvrit le poisson, préleva le fiel, le cœur et le foie. Il fit frire légèrement de poisson pour son repas, et il en garda pour le saler. Ils marchèrent ensuite tous deux ensemble jusqu'auprès de la Médie. - Alors le garçon posa à l'ange cette question : «Frère Azarias, quel remède y a-t-il par conséquent dans le cœur, le foie et le fiel de poisson ?» - Il répondit : «On brûle le cœur et le foie de poisson, et leur fumée s'emploie dans le cas d'un homme, ou d'une femme, que tourmente un démon ou un esprit malin : toute espèce de malaise disparaît définitivement sans laisser aucune trace.» - Quant au fiel, il sert d'onguent pour les yeux, lorsque on a des taches blanches sur l'œil : il n'y a plus qu'à souffler sur les taches pour les guérir.»

— Livre de Tobie

Avénement du Christianisme

Les chrétiens ont eu fort à faire avec l'hépatoscopie, puisque la première cause de condamnation à mort et au martyre chrétien était le refus catégorique de sacrifier aux dieux et divinités païennes ainsi qu'à l'Empereur déifié. Aussi au début préféraient-ils mourir de manière cruelle que d'offrir des sacrifices aux dieux et cela comprenait obligatoirement le refus de toute pratique divinatoire associée aux sacrifices du paganisme lesquels pour Saint Paul sont des sacrifices de créatures animales offerts aux démons ayant un pouvoir divinatoire (Epître aux Romains). Cette thèse est développée par Saint Augustin et par Eusèbe de Césarée. Le sang des animaux s'avérait incapable d'enlever les péchés et le foie des animaux de révéler l'avenir.

En 385, sous l'Empereur Théodose Ier, avec l'avènement du Christianisme à Rome, renoue avec les interdictions bibliques du Deutéronome, est instituée la peine de mort pour qui «par l'inspection du foie et les présages tirés des entrailles se bercerait de l'espoir d'une vaine promesse, ou, ce qui est pire toujours, connaîtrait l'avenir par une consultation exécrable. Un supplice plus terrible est réservé à ceux qui, contre notre défense, auraient cherché à savoir le vrai sur le présent et sur l'avenir». Ce fut la fin du paganisme à Rome. [32].

Au Ve siècle, en 481, saint Augustin écrit le traité, De la divination des démons[33], où il attribue aux démons l'ensemble des formes païennes divinations attribuées au dieux, interdites désormais par la loi romaine, mais qui gardaient quelques nostalgiques, niant que Dieu les réprouvait, dans la mesure où il les tolérait dans sa Toute-Puissance, avant leur interdiction par la justice romaine devenue chrétienne. Saint Augustin explique que ce qui était attribué aux dieux est en fait une capacité des démons précisément comme le fit saint Paul dans l'épître aux Romains au sujet des viandes immolées en sacrifice aux idoles. On accordait à son époque toujours de la véracité à ces divinations exécutées selon des Rites des Livres Pontificaux romains, qu'il qualifie de "vieilleries puériles" et il explique le succès de cette "pseudo-science du paganisme de la divination, mantique en grec par le fait que les aux démons existant réellement sont capables dans une certaine mesure de prévoir l'avenir et de deviner certaines choses.

«Parfois aussi leur prédiction n'a pas pour objet ce qu'ils font eux-mêmes, mais ce dont ils présagent l'avenir selon certains signes naturels, signes que nos sens humains ne peuvent percevoir. On ne regardera pas comme un devin, par exemple, le médecin qui prévoit certains faits que ne voit point d'avance l'homme étranger à son art. Or, faut-il s'étonner que comme le médecin prévoit selon une perturbation ou selon un progrès du tempérament humain, notre santé à venir, bonne ou mauvaise; ainsi le démon, selon certaine disposition ou règle de l'air qu'il connaît, lui, et qui nous échappe, prévoie les variations du temps?»

— saint Augustin, De la divination des démons, Livre VIII

«Le philosophe, tel que nous le définissons, doit être séquestré de l'ensemble des choses du dehors. Nous sommes par conséquent fondés à dire qu'il n'ira point tourmenter les démons, ni les implorer, pour en obteenir des prédictions par l'inspection des entrailles d'animaux. Toute son étude est de se déprendre des sujets de divination. Il ne s'occupe pas de mariage, pour avoir intérêt d'importuner le prophète à ce sujet ; il ne le fera non plus ni pour le négoce, ni assez à un esclave, pour un avantage quelconque de ceux qui reposent sur les opinions populaires. Les questions qu'il adresse à la divinité ne sont pas connues des devins. Les entrailles des animaux ne peuvent rien lui révéler à ce sujet. S'approchant sans intermédiaire, comme nous l'avons dit, du dieu qui habite dans ses propres entrailles, il cherche à s'éclairer sur la vie éternelle, étant entièrement absorbé dans cette pensée.» Le raisonnement contenu dans ces paroles a rendu aussi évident qu'il est envisageable ce qu'on doit penser des oracles et des interrogations faites aux entrailles des victimes, et de tous ces pronostics de choses inconnues qui font l'admiration de la grande variété. En les qualifiant fausses opinions, préjugés, Porphyre les repousse comme des insinuations des mauvais démons; et disant que l'homme sensé et prudent ne se livrera jamais à eux ni ne les attirera à soi par les sacrifices. Il ajoute que le philosophe n'a nul besoin des oracles, ni des aruspices, ni de rien d'identique, donnant à entendre que ce sont des inventions funestes des démons»

— Eusèbe de Césarée, La Préparation évangélique 1


«Nous n'aurons pas besoin de divination ni d'oracles, nous n'interrogerons point les entrailles des animaux, et nous ne nous troublerons pas des effets extraordinaires produits par la puissance des démons. Plus la grande variété y apporte d'attention et d'empressement, plus la parole du Christ nous a instruits à nous éloigner, nous a encouragés à ne désirer d'autres biens que ceux qui ne connaissent réellement aucun devin, et qui n'ont pas besoin pour être sus, que les entrailles des victimes les montrent. Le Verbe de Dieu est l'unique qui habite véritablement dans les entrailles de ceux qui, par l'extrême pureté de leur âme, sont dignes de le recevoir. C'est en parlant d'eux, qu'il dit dans les saintes Ecritures : «J'habiterai au milieu d'eux et je m'y promènerai; je serai leur Dieu, ils seront mon peuple»

— Eusèbe de Césarée, La Préparation évangélique 1


Enfin les chrétiens christianiseront le besoin des anciens païens de se représenter le ciel à travers les foies, puisque l'Eglise terrestre, les églises, le templum deviendra le reflet du ciel et du cosmos habité par les saints et par les anges.

Chez les Arabes

Ibn Khaldun fait allusion à l'hépatoscopie dans son étude de la divination dans Muqaddimah   (en) (fin du Livre I) [34].

En bande dessinée

Le Devin, bande dessinée de la série Astérix, tourne en dérision haruspices et devins passés ou contemporains[35]. Le devin Prolix examine les foies des poissons et prédit qu'«après la pluie viendra le beau temps».

Notes et références

  1. Littré : Terme d'antiquité. Art de deviner l'avenir par l'inspection du foie des victimes ; cette inspection elle-même.» de hépato-, du grec ancien η̃παρ, η̃πατος (ê par, ê patos) «foie» et -scopie, du grec ancien -σκοπια (-skopia), issu de σκοπει̃ν (skopein) «observer».
  2. de exta, entrailles, viscères
  3. (de σπλανχνος grec, entrailles) étude d'un foie de chèvre, terme peu employé cf. Dictionnaire des arts divinatoires, Sceptiques du Quebec [1]
  4. (de l'étrusque haru, entrailles)
  5. Robert Flacelière, Devins et oracles grecs, P. U. F., 3e édit p.  22, 23, et 108.
  6. Xénophon, Helléniques III, 4, 15 cité par Jeannine Boiëldieu Trevet dans «Signes et décisions dans l'œuvre de Xénophon» in Signes et destins d'élection dans l'antiquité : colloque international par Michel Fartzoff) [lire en ligne]
  7. Voir G Furlani, epatoscopia babilonese e epatoscopia etrusca, avec une bibliographie. SMSR, Studi e Mat. di S/or. delie Relig., IV, 1928, p.  242-285 Cité par Dumezil, D. Briquel. Gœtze Old Babylonian Omen Texts? New Haven, 1947 - Georges Contenau, a décrit l'hépatoscopie en Mésopotamie grâce aux tablettes de la bibliothèque d'Assurbanipal, dans La Divination chez les Assyriens et les Babyloniens, Paris, Pavot, 1940.
  8. Georges Contenau La divination chez les Assyriens et les Babyloniens‎ - p.  256, La civilisation d'Assur et de Babylone‎ - p.  147 -Manuel d'archéologie orientale...
  9. La Bible et les récits Babyloniens, Jean Charles François
  10. Source : Assyriologie M. Jean-Marie Durand, professeur
  11. British Museum Old Babylonian, about 1900-1600 BC
  12. Maquette divinatoire du foie
  13. Pierre Fabre, La Religion des étrusques, dans Histoire générale des religions
  14. The orientalizing revolution : par Walter Burkert, Margaret E. Pinder page 46 [2]
  15. Daremberg, article TAUROBOLIUM
  16. Histoire de la divination dans l'antiquité Bouché-Leclercq, Auguste, 1842-1923, p.  61 - 74 : Extapicine et haruspicine proprement dites [3]
  17. Les Sciences occultes en Asie. La Divination... Lenormant, François - fragment BIS, p.  58
  18. Daremberg, Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, p.  3, tome 3 [4]
  19. Daremberg article Divinatio [5]
  20. Histoire de la divination dans l'antiquité Bouché-Leclercq, Auguste, 1842-1923, p.  71 [6]
  21. D. Briquel, Les Étrusques
  22. [] Urbanisme et religion chez les Étrusques, Raymond Bloch, 1970, p.  1117
  23. Image du Miroir de Calchas (Musée du Vatican
  24. urne funéraire de Volterra
  25. Vase attique. Scène d'hépatoscopie
  26. Miroir de Tuscania
  27. L'Haruspiscine à Rome : étude des documents épigraphiques concernant les haruspices romains, Liou, Bernard, 1953. Haak Marie-Laurence, «Les haruspices de l'Étrurie indépendante», «Les haruspices publics romain», «L'haruspicine privée romaine» in Thesaurus cultus et rituum antiquorum (ThesCRA), V, Bâle, 2005, p.  68-70
  28. Lire l'article dans «Signes et destins d'élection dans l'antiquité : colloque international» Par Michel Fartzoff Signes deu Destin et pouvoir dans les pratiques étrusco-italiques, Charles Guittard pages 71-76 [lire en ligne]
  29. Voir sur Wikisource : De Divinatione, de Cicéron, Livre II page 222 et suivantes
  30. Inspiciamus, si placet, exta primum. Persuaderi igitur cuiquam potest ea, quæ significari dicuntur extis, cognita esse ab haruspicibus* observatione diuturna ? Quam diuturna ista fuit ? Aut quam longiquo tempore observari potuit ? Aut quomodo est inter ipsos, quæ pars inimici, quæ pars familiaris esset, quod fissum periculum, quod commodum aliquod ostenderet ? An hæc inter se haruspices Etrusci, Elii, Ægyptii, Pœni contulerunt ? At id, præterquam quod fieri non potuit, ne fingi quidem potest . Alios enim alio more videmus exta interpretari, nec esse unam omnium disciplinam
  31. Code de Théodose XVI, 10 9 cité dans Histoire de la divination dans l'antiquité Bouché-Leclercq, Auguste, 1842-1923 [7]
  32. [lire en ligne] De la divination des démons
  33. [8]
  34. Voir [9]

Bibliographie


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Sources

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